PRETRES SPORTIFS
PERE GUY OBERSON

             UN CURE MARIé AVEC LE SPORT
prix du mérité sportif pour le père Guy Oberson

Au service des jeunes footballeurs gruériens pendant une vingtaine d’années et entraîneur au Ski-Club Vudallaz-Epagny depuis 1959, Guy Oberson n’est pas un abbé comme les autres. Celui pour qui le sport est une école de vie vient d’être récompensé par la Commission du mérite sportif fribourgeois. Une reconnaissance pour le dévouement du Gruérien et une bombe dans le coin de ses souvenirs.
«Je devais être le premier séminariste à demander l’autorisation au supérieur d’aller disputer des rencontres de football»

A Epagny, à la ferme familiale de Bouleyres d’En-Haut», dans l’appartement de sa maman. Un endroit où il fait bon se ressourcer, chaque lundi. Dans un concert de mimiques, Guy Oberson, cet homme de 65 ans aux rides si fraîches et au regard si bleu, raconte son parcours à en perdre haleine. C’est que ce Prix du Mérite décerné par la Commission du mérite sportif fribourgeois a réveillé tant de souvenirs. Pensez: depuis plus de quarante ans que cet abbé sévit dans les milieux sportifs gruériens. Tantôt comme responsable et arbitre du championnat scolaire, entraîneur de l’école de foot ou des juniors C et D du FC Gruyères pendant une vingtaine d’années, organisateur de camps d’alpinisme Jeunesse et Sport ou encore entraîneur des jeunes au Ski-Club Epagny. Et, à regarder la santé affichée par le bonhomme, la liste ne peut pas être exhaustive.

                             «Ça colle à ma vie»
Aujourd’hui encore, lorsque ses activités de curé à la paroisse de Renens – qu’il dirige depuis 1997 – et d’aumônier dans le monde du travail le lui permettent, le Gruérien aime se rendre sur les courses pour accompagner et épauler les jeunes du ski-club. «Ça colle à ma vie», dit-il en serrant son poing contre son cœur. «Certains OJ savent que j’ai du métier et veulent que j’aille avec eux reconnaître le parcours afin de leur donner des conseils.» Cinq samedis par saison, il organise d’ailleurs des journées de perfectionnement. Et pas question de rater le camp estival de Zermatt ni celui de Noël au chalet du Poyet, dont ce sera la 42e édition cette année. «En 1959, lorsque j’étais au séminaire diocésain à Fribourg, le SC Vudallaz-Epagny cherchait une personne pour prendre en charge l’animation et la responsabilité de ce camp de Noël. Je me suis engagé et je n’ai jamais arrêté.» C’est d’ailleurs à cette époque que le Gruérien monte pour la première fois sur des skis.
«On habitait à 200 mètres du terrain de Trême», raconte Guy Oberson en indiquant la direction avec son bras, qui a l’air bien trop solide pour son âge. «Il ressemblait à une gravière, on évoluait sur des alluvions. A l’époque, il n’y avait pas d’école de football. Mais, à 7 ou 8 ans, jouer sans cesse avec mes copains a vraiment représenté un déclic dans ma relation avec le sport.» Tout comme, gage d’une condition physique de base au point, le fait d’avaler quatre fois par jour les 120 mètres de dénivellation qui le séparaient de l’école de Gruyères.
Son goût pour le sport ne le lâchera ni durant les années collège, à l’internat de Romont – «le chanoine était un passionné de football» – ni à Saint-Michel, à Fribourg, encore moins au séminaire diocésain. «On enlevait les soutanes et hop, on disputait des tournois entre théologiens, rigole Guy Oberson. Je devais aussi sûrement être le premier séminariste à demander l’autorisation au supérieur d’aller disputer les rencontres importantes avec le FC Gruyères. Entraîneur du club, mon frère venait en voiture me chercher peu après le repas de midi et me ramenait immédiatement après le match. Car je devais être de retour à 16 h 30, pour les vêpres!»

                             La chance du vicaire
«En 1964, j’ai eu la chance d’être nommé vicaire à Bulle, tout près de mon club de foot de Gruyères.» Deux ans plus tard, l’opportunité de s’engager pour les jeunes footballeurs du district s’est alors présentée, à l’époque de la mise en route du championnat scolaire de la Gruyère. Et, bien que nommé aumônier dans le monde du travail, à Fribourg, il montait tous les jeudis à Broc pour arbitrer les matches des gamins.
Quelques années plus tard, l’AFF mettait sur pied les sections E et F, ce qui poussait Guy Oberson à entraîner à l’école de foot du FC Gruyères, ainsi que les équipes C et D. Il s’est alors aussi occupé de la sélection de la Gruyère pour le Mémorial Sekulic. «J’ai eu sous mon aile des joueurs fantastiques, qui ont d’ailleurs remporté le tournoi… Ensemble, nous avons vécu des moments extraordinaires… (la gorge de l’abbé se noue)… J’ai tellement reçu de ces gamins…»
Lorsqu’il est en pleurs, les épaules du sportif apparaissent soudain bien petites.

L’abbé Guy Oberson et…

… son rôle d’entraîneur: «Je parlerais non seulement d’entraîneur, mais aussi d’éducateur. Je me qualifierais d’exigeant, surtout au niveau disciplinaire… J’ai toujours mis l’accent sur un point essentiel: aider le sportif à se libérer de ses doutes, l’aider à se battre et à faire preuve de courage. Pas se battre contre quelqu’un, mais vaincre ses propres peurs. Ce sont des valeurs que j’ai moi-même apprises grâce au sport.»
… l’importance du sport pour les jeunes: «Dans leur vie, les jeunes sont de plus en plus en panne de sens. Le sport est à même de leur en donner un. Il forge le caractère, rend courageux et aide à surmonter les moments difficiles. C’est ce que j’appelle le transfert: ce que tu es capable d’accomplir dans le sport, transfère-le dans le reste de ta vie. Cela procure un équilibre et une force incroyables à la personnalité humaine. Le sport doit aider les jeunes à croire en eux et en leurs possibilités.»
… la place du sport dans sa vie: «Le sport tient une place essentielle dans mon hygiène personnelle, intellectuelle et spirituelle. Lorsque je peine à rédiger un sermon, je laisse tout en plan, j’enfile mon training et je vais courir. Alors, tout se débloque, et je suis bon pour le reste de la journée.»
… le rôle social du sport: «Grâce au sport, j’ai pu nouer des contacts extraordinaires. Si j’avais accepté tous les mariages et les baptêmes qu’on m’a demandé de célébrer, je n’aurais fait que ça.»
… le lien entre le sport et sa situation professionnelle: «J’ai beaucoup réfléchi à ma place de prêtre à partir du mystère de l’incarnation. Dieu se fait proche. Et nous, quel moyen avons-nous pour être proches du peuple, des gens? Il n’y aucune activité qui le permette autant que le sport. Quand j’arrivais sur les pistes de ski, débarrassé de ma soutane, rien ne laissait penser que j’étais prêtre.»
… le sport de haut niveau: «S’il détruit l’être humain, je ne suis plus d’accord. Par contre, il devient magnifique s’il tend à pousser au plus loin cette réalité extraordinaire qu’est l’homme, corps et esprits confondus, car, pour atteindre l’élite, un sportif doit avoir quelque chose dans la tête. Reste qu’un athlète qui vise haut doit accepter que l’échec fasse partie de cette visée: c’est ça, l’humilité. Lorsqu’il se remet en question, ce qui est essentiel, un sportif se construit humainement.»
… le Prix du Mérite: «Ma première réaction? Je me suis dis que j’ai reçu ce prix en raison de ma longévité. Car, finalement, je n’ai jamais été entraîneur à un haut niveau. J’ai toujours été un entraîneur à la base: ce que j’ai toujours voulu, c’est de permettre à un maximum d’enfants de se diriger vers le sport. Cette récompense, je la prends comme une reconnaissance, pour moi et pour tous les gens avec qui j’ai collaboré, du travail accompli durant toutes ces années. Ces derniers jours, j’ai énormément pensé à toutes les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer grâce au sport. C’est très émouvant. Ce retour dans le passé, je ne l’aurais peut-être pas accompli si l’on ne m’avait pas décerné ce prix.»